Les journaux, je n’ai jamais pu m’en passer et pourtant je ne les aime pas. J’espère chaque matin trouver noir sur blanc un peu d’intelligence, et je me tache les doigts sur des papiers graisseux d’encre, pour rien. Ce qui m’étonne, c’est la rapidité avec laquelle ces gens trouvent à écrire sur tout. Dans une vie normale, normalement perdue, normalement obscure à elle-même, bien peu de choses se passent, et pour les dire avec justesse, il faut souvent des années et des années. Là, les mots viennent en même temps que les événements – ce qui fait qu’il n’arrive rien que du bruit. C’est une question d’argent, je suppose : tant de pages à remplir chaque jour , coûte que coûte. D’argent et d’angoisse : il en va du silence comme de l’amour. On passe sa vie à les fuir.
Extrait de “La folle allure”, de Christian Bobin.
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